Vox numeri, vox populi ?

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Par Alexandre Malafaye et Fabrice Lorvo dans La Tribune, le 25 janvier 2017.

À condition que le numérique reste un outil et qu’il soit « domestiqué » et adapté à un usage vraiment démocratique, il peut offrir de nouveaux moyens d’expression très séduisants. 

La révolution numérique bouleverse notre société dans toutes ses dimensions et change en profondeur nos modes de vies et nos habitudes de consommation. Elle est aussi de nature à modifier les relations entre les individus et notamment celles entre les citoyens et le monde politique.

Du point de vue de la gouvernance, le numérique semble être un outil très séduisant pour faire évoluer l’implication du citoyen dans la vie de la citée. Il permet d’exprimer et de comptabiliser, en temps réel, l’opinion populaire. Pour autant, cette vox numériest-elle réellement représentative de la vox populi ?

Les limites du numérique au service de la gouvernance

À l’exception des expériences destinées à associer les citoyens à l’élaboration de la loi, principe restant à développer, le numérique au service de la gouvernance ne doit être envisagé que comme un complément, un outil, et non comme un substitut.

Cette expression collective ne doit pas être envisagée comme un moyen de remise en cause, et donc de discrédit, soit un texte de loi, soit d’une décision du gouvernement, soit une décision de justice. A défaut, notre société deviendrait une vaste arène dans laquelle les internautes pourraient exercer – de façon anonyme pour la plupart – leur « droit de pouce », en l’air pour « la vie », en bas pour « la mort », comme on like ou dislike sur les réseaux sociaux. Notre modèle démocratique n’y résisterait pas.

Régler les problèmes de sécurité

Enfin, le recours du numérique au service de la gouvernance ne pourra être sérieusement envisagé que lorsque les problèmes de sécurité auront été réglés. D’abord, la sécurité autour du débat. L’expression citoyenne par le biais de l’outil numérique suppose la prise de position par rapport à un sujet ou à une question. Encore faut-il que ceux qui votent disposent d’une information préalable de qualité. Or, à ce jour, la désinformation ou les rumeurs sont très présents sur Internet et les réseaux sociaux.

Ensuite, la sécurité autour du vote. Dans le cas des systèmes de pétition en ligne, il faut fixer des règles permettant de garantir l’intégrité des voix exprimées et ce, en excluant toute possibilité de vote par l’intermédiaire de robots, en garantissant que seule peut voter une personne qui possède la capacité juridique (à savoir, pour les questions nationales, qu’elle est notamment de nationalité française et majeure), et qu’elle ne puisse voter qu’une fois.

La question de la représentativité

Enfin, reste à définir la question de la représentativité. A défaut, il y aurait un risque d’aboutir à une démocratie des minoritaires, ou des lobbys les plus actifs sur la toile.

On le voit bien, associer le numérique à la gouvernance publique n’en est qu’au stade embryonnaire et ce qui est pour l’instant réalisé présente les mêmes caractéristiques que l’offre sur Internet, le pire y copie le meilleur.  À condition que le numérique reste un outil et qu’il soit « domestiqué » et adapté à un usage vraiment démocratique, il peut offrir de nouveaux moyens d’expression très séduisants. D’ores et déjà, nous pourrions nous inspirer de ce que font nos amis anglais.

L’exemple anglais

Il convient de décrire et de saluer l’utilisation faite de l’outil numérique par le parlement britannique pour les pétitions publiques. Si ce droit existe depuis le 15eme siècle, il a connu un nouvel essor avec le numérique.

Une commission du parlement reçoit et vérifie la conformité des pétitions selon certains standards. Sont rejetées les pétitions qui concernent notamment un problème qui n’est pas de la responsabilité du gouvernement ou du parlement britannique, sur lequel l’un ou l’autre travaille déjà, sur une question purement personnelle, ou qui enfreint la loi ou qui concerne un jugement, ou encore qui touche une affaire en cours devant les tribunaux britanniques.

Sous réserve de son approbation, la pétition est mise en ligne pendant six mois sur internet (https://petition.parliament.uk). À 10 000 signatures, les pétitionnaires obtiennent une réponse du gouvernement, et à 100 000 signatures, le sujet évoqué par la pétition est débattu au Parlement.

Un long et délicat apprentissage

L’interactivité entre le citoyen britannique et ses représentants ou dirigeants a été rendue possible grâce à Internet, au terme d’un long et délicat apprentissage. Nous pourrions utilement nous inspirer de l’exemple anglais pour créer à l’Assemblée nationale l’équivalent de la « commission des pétitions » anglaise pour que des questions soient posées, sous certaines conditions, par les citoyens français au gouvernement, ou pour que des sujets proposés par un groupe de citoyens soient débattus à l’Assemblée nationale.

Dans la dynamique du partenariat pour un gouvernement ouvert, une telle innovation apporterait à l’espace public un nouveau moyen d’expression, organisé et de nature à aller vers une plus grande objectivité des débats. Il est urgent que les candidats à la présidentielle se saisissent de ces questions centrales pour l’avenir du modèle démocratique, sans quoi, demain, la vox numeri pourrait usurper la vox populi !

Pour lire cette tribune sur le site de La Tribune, cliquez ici.

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