Journal du confinement #15 : le retour d’un Etat patron ou d’un Etat stratège ?

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Fin du capitalisme néo-libéral, démondialisation, retour de l’Etat actionnaire ! De nombreuses voix s’élèvent pour célébrer le grand retour de l’Etat dans la vie économique de l’après covid-19. S’il est clair que tous les enseignements n’ont pas été tirés de la crise financière de 2008, faut-il tout attendre de l’Etat dans un pays comme la France où il joue déjà un rôle central ?

Certes, la crise sanitaire a montré des défaillances importantes dans l’organisation de notre système de santé, et l’Etat devra y mettre bon ordre. Avec des dépenses de santé qui pèsent plus de 10% du PIB en 2019, la France ne souffre pas d’un manque de moyens par rapport aux autres pays de l’UE. La crise a plutôt révélé des fragilités structurelles dénoncées dans de nombreux rapports : rôle central de l’hôpital public, mauvaise coordination avec les établissements privés, faible régulation de la médecine de ville, quasi-oubli des EHPAD, insuffisance de la prévention. Elle a aussi mis en lumière un défaut d’anticipation sur la gestion d’équipements de protection et de matériels de réanimation, dont la responsabilité incombe d’abord à l’Etat et aux décisions du quinquennat précédent.

Sur ce sujet, comme sur bien d’autres, l’Allemagne nous a donné une grande leçon de réalisme : avec des dépenses hospitalières par habitant moins élevées que les nôtres, nos voisins ont plus de lits, plus de matériel de réanimation, et les soignants sont mieux payés. L’Etat sera bien en première ligne pour que notre système de santé soit plus solide, moins centralisé, complémentaire entre public et privé, et avec le souci d’optimiser la dépense publique. Il pourra s’appuyer sur les progrès permis par la télémédecine et devra enfin reconnaître le rôle des aidants familiaux et de l’aide à domicile pour faire face à une population vieillissante. Il devra enfin préserver la crédibilité de nos institutions scientifiques face à la prolifération de faux experts et redonner confiance dans la science.

Face à une crise économique sans précédent, l’Etat joue aussi un rôle essentiel de pompier pour que nos entreprises survivent. Les mesures d’urgence annoncées ont le mérite d’amortir les effets de la crise à court terme, alors que seulement deux semaines de confinement ont effacé cinq années de croissance. Avec plus de 40% des salaires dans notre pays qui sont payés par l’Etat (chômage partiel, fonction publique, chômeurs en fin de droit), et les garanties publiques apportées aux banques, le paquet des premières mesures va dans le bon sens. L’Etat dispose aussi d’opérateurs efficaces comme la CDC et sa filiale Bpifrance, et pourra mobiliser les entreprises à participation publique pour démultiplier son action.

Néanmoins, l’histoire montre que l’Etat a souvent été mal inspiré quand il entendait gérer les entreprises et la violence de la récession ne saurait justifier une intervention sans limites dans la vie économique du pays.

On doit tout d’abord tirer plusieurs enseignements de la réponse apportée par l’Etat à la crise financière de 2008. Le plan de relance des années 2009-2010 a utilisé une large palette d’instruments fiscaux (amortissement exceptionnel, déductibilité des intérêts d’emprunt, baisses d’impôts) ou budgétaires (investissement public, intervention au capital de certaines entreprises), et a fait le choix de l’investissement avec le lancement d’un plan en faveur des investissements d’avenir (PIA) ambitieux et innovant. Néanmoins, ce plan a souffert de plusieurs limites : une certaine inertie dans sa mise en œuvre qui suppose un pilotage interministériel fort, un manque de ciblage sur les secteurs les plus stratégiques pour éviter l’effet « plan ronds-points », et des mesures pas suffisamment réversibles en période de reprise.

Ces leçons devront guider le plan de relance qui prendra le relais des mesures d’urgence, autour de plusieurs principes : privilégier la rapidité d’exécution, cibler des secteurs prioritaires et des technologies émergentes, mobiliser les acteurs publics existants plutôt que de créer de nouvelles structures bureaucratiques.

Mais, à la différence de la situation qui prévalait en 2008, ce plan interviendra dans un contexte très contraint par l’état de nos finances publiques. Aussi, l’Etat serait bien inspiré de s’appuyer beaucoup plus sur deux partenaires essentiels : les régions, qui sont en première ligne pour amortir les effets de la crise dans les territoires, et les entreprises qui sont prêtes à relever le défi de l’investissement pour autant que des partenariats public-privé intelligents leur en donnent les moyens.

Nos entreprises démontrent dans la crise une formidable capacité à maintenir l’activité et à se reconvertir pour satisfaire des besoins essentiels. Elles prouvent une fois encore que la résilience d’une nation ne se joue pas dans les discours des politiques ni dans les milliards d’euros d’argent public, mais dans la mobilisation de l’arrière. Et si cette relance était frugale sur le plan budgétaire par une canalisation intelligente des flux d’investissements privés vers les secteurs stratégiques et par des mécanismes de régulation peu coûteux pour le contribuable ? Notre pays regorge d’une épargne abondante et de grands entrepreneurs. A l’Etat de trouver les bonnes incitations pour que cette épargne des ménages soit mieux orientée vers les besoins en fonds propres de nos entreprises.

Nous savons que cette crise sera salutaire à bien des égards. Si elle nous rappelle que l’Etat doit protéger, éduquer, soigner, elle doit aussi nous rappeler qu’il doit être plus stratège et moins patron.

Olivier Pagezy
Président de Espar Conseil
Membre de Synopia

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