« Discours au Congrès : Un exercice qui révèle l’état du chef (de l’État) », par Alexandre Malafaye

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Le 9 juillet 2018, Emmanuel Macron aura prononcé son deuxième discours au Congrès, et c’est à une réflexion en amont sur son contenu que cette chronique est dédiée, en vue d’une lecture a posteriori.

Ce discours-ci ne saurait être de même texture et de même saveur que le premier du genre. Un an a passé. Les réalités sont revenues en force et de nouvelles difficultés sont apparues, de toutes parts. Le Président ne songe certainement pas à nous servir un texte distillant la petite musique du « tout va très bien, madame la marquise… » Il ne devrait pas non plus, pas trop espérons-le, céder à la tentation de l’autosatisfaction genre passage en revue du catalogue des réformes engagées, même s’il est autorisé à féliciter son équipe d’avoir su mener de front autant de projets et d’être parvenu à faire bouger des lignes. Ce n’était pas gagné. Certes, les esprits chagrins diront que les résultats de son entreprise de transformation du pays se font attendre. Rien d’anormal à cela. Seules les politiques du type réduction de la vitesse à 80 km/h peuvent produire un effet mesurable à court terme. D’autres affirmeront qu’à vouloir ouvrir trop de chantier « en même temps », le Gouvernement s’est lui-même saturé et que la vision se brouille. Certains pointeront sa baisse sensible de popularité, expliquant qu’elle reflète le mal être d’une France fracturée et énervée, que gouverner n’est pas gérer ni régner, c’est aussi aimer son peuple, qu’il doit rectifier le tir sans tarder et cesser d’abuser de la déliquescence de l’opposition et des syndicats. Rien de tout cela n’est faux. Gageons enfin qu’il s’abstienne de donner des leçons en termes méthodes de gouvernance et d’abuser du concept creux du « faire de la politique autrement » dont certaines déclinaisons prônées par de jeunes députés vont jusqu’à affirmer que le nombre remplace la compétence.

Mais l’essentiel, à l’occasion de ce grand oral républicain, est ailleurs. Ce dont nous avons besoin, c’est du « discours d’un roi », mais pas d’un roi des discours. Il ne s’agit pas de faire un point sur « l’état de l’union », mais plutôt de parler vrai sur l’état des nos désunions, en France comme en Europe, et sur ce monde soumis à de folles boussoles, qui, en aucune façon, ne prend en compte l’intérêt général de l’Humanité.

En premier lieu, il doit nous alerter : le pays n’est pas en ordre de bataille pour faire face aux défis du siècle et aux chocs très rudes qui l’attentent. Les opinions ne sont pas préparées à les affronter. La confiance en soi ne suffit pas, Monsieur le Président, c’est celle d’un pays tout entier qu’il faut réveiller. Les Français doivent avoir le sentiment que votre bonne étoile peut se transformer en soleil pour tous ou, pour le moins, en l’assurance que votre entreprise ne vise pas à le réserver aux « premiers de cordée ». Cette promesse de soleil doit contenir l’image de la France que nous pouvons encore (re)bâtir. Notre projet. Celui d’un peuple. Une aspiration qui va bien au-delà d’une relance par l’économie, même si nous ne pouvions faire l’impasse sur celle-ci.

Toutefois, aucune promesse de ce genre ne vaut sans tracer le chemin des possibles et d’abord, assumer les réalités, toutes les réalités, en face. Le temps est venu de dire ce qui est et ce qui ne va pas. L’actualité nous en fournit chaque jour des preuves brûlantes.

En interne, notre cohésion se révèle d’une grande fragilité et le socle sur lequel nous fondons la Nation française est devenu très friable. Nous payons ici au prix fort l’échec d’une multitude de politiques publique (inspirées par l’idée que la seule bonne réponse à un problème passe par une nouvelle loi) ; le non respect de l’État ; la montée en puissance, jusqu’à l’absurde, de la république des droits avec tous ses effets paralysants ; l’incivisme sous toutes ses formes et les passivités qui l’accompagnent ; les égoïsmes individuels et collectifs ; les dérives communautaires et ses corolaires ; le creusement protéiforme des inégalités. A cela s’ajoute l’incapacité des leaders à répondre à la profonde quête de sens des Français qui, pour la plupart, perçoivent la marche à sens unique de l’histoire, c’est-à-dire profitable à une minorité protégée par l’argent ou le statut.

Au sein de l’Union européenne ensuite, nous frôlons le précipice. Avant le Brexit, ce qui fonctionnait constituait l’exception, depuis, rien ne va plus. Quelle faute que d’avoir affublé notre espace européen du vocable d’Union ! Nous aurions dû la déclarer une fois faite. Car les peuples, eux, ne s’y trompent pas. A commencer par le nôtre qui, depuis la Révolution, voit bien que, quelque soit le système et son périmètre, et en dépit de têtes qui tombent, pour l’essentiel, ce qui est en haut reste en haut et ce qui est en bas reste en bas. Non pas que le plus grand nombre rêve d’arriver au sommet, la plupart des gens sont prêts à accepter leur place et leur rôle dans la société. Encore faut-il les respecter, les aimer, faire régner l’ordre et la justice, et leur montrer l’exemple.

De cette Union là, face à tant de divisions et d’incompréhensions mutuelles, difficile d’imaginer ce qu’il est encore possible d’espérer de bon. Mais attention. Si la France trébuche un jour prochain, par exemple sous le fardeau de sa colossale dette, nous pouvons compter sur nos « partenaires européens » pour en profiter. Ce qui risquerait de nous coûter notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Angela n’a rien d’angélique, elle attend la première opportunité venue pour nous tordre le bras.

Face à cette « Union », le Président doit nous mobiliser pour que nous fassions front commun, à la fois pour tenir ferme sur nos positions et pour que nous acceptions d’entrer dans le temps long de la nécessaire reconstruction. Car ce temps viendra, les grandes tendances qui sont à l’œuvre dans le monde nous obligeront à façonner un système de gouvernance efficace dont l’un des grands objectifs sera de défendre bec et ongles nos souverainetés.

Dans le monde enfin, la vérité saute aux yeux : seuls les USA, la Chine et les empires économiques et financiers ont les moyens profiter de la mondialisation, soit parce qu’ils l’organisent, soit parce qu’ils l’exploitent, soit les deux. La vraie partie se joue à leur niveau et nos vieux États européens n’ont pas pris assez tôt la mesure de ses conséquences, notamment en terme d’asservissement. Il suffit de se référer à l’extraterritorialité de la loi américaine, au rôle de l’OTAN (très utile aux USA pour isoler la France face au 26), au contrôle de l’économie par la finance ou au GAFAM, pour s’en convaincre. Quant aux Chinois, ils sont maintenant partout, de façon visible ou invisible, même à la tête d’INTERPOL.

Non, cette première moitié de XXI° siècle n’a rien de rose à offrir au Continent des Droits de l’homme. Il subsiste cependant des espaces pour agir, et des puissants ressorts à activer. Mais cela exige d’avoir le peuple avec soi. Tout le peuple. Et c’est à ça que servent les grands discours.

 

 

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