« De la République française à l’État de travers… », chronique par A. Malafaye

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Nous le voyons depuis deux décennies, le cadre légal dans lequel nous évoluons, c’est-à-dire l’État de droit, se transforme peu à peu au profit d’un État des droits, celui du plus fort, du plus bruyant, du plus vindicatif ou du moment, pourvu qu’il aide à glaner des voix. Le dérèglement est patent. Nous évoluons désormais dans un État qui fabrique du droit à n’en plus finir pour compenser son incapacité à faire respecter la justice, toutes les justices, et ainsi faire vivre – et respecter – les valeurs de la République française. Si cette étrange année 2017 se termine avec une note d’espoir, les premiers pas réussis d’un Président de 40 ans, pour autant, aucune cohérence d’ensemble ne se dessine, que ce soit au plan national, européen ou mondial. En France, trop souvent, le dogme ou l’irréflexion de la pensée publique ajoutent aux forces qui entraînent notre « vieux monde » dans un dérapage de plus en plus incontrôlé.

Ainsi, la précipitation et l’émotion font commettre des erreurs graves à nos gouvernants. Prenons l’exemple du couple transparence et moralisation, un assemblage aux apparences vertueuses mais qui devient vite infernal à l’usage si la lettre prime sur l’esprit et si ceux qui manipulent ces principes n’en modélisent pas les effets à long terme. Ajouté à la facilité et la lâcheté qui caractérisent trop souvent l’action politique, nous réunissons là les ingrédients annonciateurs d’une fin de régime, ou de cycle.

Commençons par la transparence. Telle que le législateur l’a conçue, elle sonne le glas de la vie privée pour tous ceux qui choisissent de s’engager en politique, et cela, de façon irréversible. Car une fois la déclaration de patrimoine rendue accessible à tous, le retour à la vie d’avant n’est plus possible. Il y a là une rupture d’égalité vis-à-vis des autres citoyens. Par ailleurs, combien de polémiques vont-elles naître de ce voyeurisme ? Qui pour reprocher à tel ministre le nombre de ses voitures et y voir une contradiction au regard de ses convictions. Qui pour traiter tel autre ministre de « riche » et contester sa capacité à s’occuper de questions sociales. Parce que, évidemment, il faut manger froid pour avoir le droit de parler de chauffage. A coup sûr, nous allons dénaturer le lien que nous entretenons avec ces personnalités. Et personne pour défendre l’idée que le talent et un travail acharné, souvent assorti de sacrifices personnels, expliquent ces bonnes fortunes. Ni pour féliciter ceux qui apportent leur compétence à notre pays et renoncent à des rémunérations autrement plus sympathiques que celles offertes par l’État. A ce train là, seuls les moines pourront devenir ministres. Et encore, même un ecclésiaste a un passé, et nous trouverons le moyen de lui adresser un reproche. Car qui peut prétendre être conforme aux standards du moment… depuis toujours ?

L’absurdité de la situation actuelle fera des victimes dans le futur, car viendra le moment ou l’exécutif renoncera à nommer telle personnalité expérimentée au prétexte de son patrimoine ou de la signification, aux yeux de certains, de telle propriété. Effet pervers en forme d’assurance anti polémique.

Faut-il que nos gouvernants aient été inconséquents pour ne pas avoir confié à la haute autorité concernée, le soin de vérifier en toute confidentialité que le pouvoir n’enrichit pas indûment ceux qui l’exercent. Car à l’heure de l’ochlocratie numérique, le peuple ne fera pas un usage raisonné de ces informations. Et il continuera à se faire berner par plus malin que lui, qui agira dans l’ombre, là où le feu de la transparence ne sévit pas. Pour faire voter un amendement qui sert les intérêts d’une corporation. Pour obtenir un permis de construire, ou un passe-droit, grâce à sa position favorable. Mieux aurait valu édicter des règles limpides, et des sanctions très sévères appliquées sans faillir, que cette folle transparence.

Nous voulions le contrôle, nous aurons la terreur, et ce n’est pas ce climat moralisateur durable qui va calmer les esprits. Nous l’avons encore vu avec l’éviction de l’humoriste Tex de l’émission « les Z’amours » de France 2, après sa blague sexiste sur C8 et la saisine du CSA par Marlène Schiappa. Sans l’intervention de la secrétaire d’État, il y a fort à parier que l’animateur n’aurait pas perdu son job. Pas maintenant, en tout cas. Dès lors, pourquoi Mme Schiappa, qui porte aussi un regard critique sur le profil des Miss France, ne s’est-elle pas indignée quand M. Mélenchon s’est comporté de façon si méprisante et machiste à l’égard de Laurence Debray dans « l’émission politique » ? Aurions-nous assisté à la même scène dans le cas d’une inversion des forces physiques en présence ? Nous en doutons.

Voilà ce qui affaiblit l’État de droit. Le recours à la facilité et cette consternante faculté d’abuser de son autorité quand cela ne nécessite aucun courage. Il en va de même pour le radar niché de façon mesquine, pour collecter une autre forme d’impôt dans des poches souvent vides. Cette basse conception du rapport du fort au faible, sous couvert de morale, de biendisance ou de pseudo légitimité. Mais quand il s’agit de certains quartiers, ou de Notre Dame des Landes, curieusement, l’État n’affiche plus la même désinvolture. Les Zadistes ne sont pourtant pas les descendants d’Astérix, mais comme lui, ils possèdent une potion magique. Internet et les médias en continu. Nous observerons avec une curiosité certaine la détermination dont l’État fera preuve pour évacuer la ZAD et rétablir l’ordre. S’il recule, ou tergiverse encore, l’effet sera dévastateur pour l’autorité publique.

La facilité, c’est aussi de la façon dont les responsables politiques participent au débat public. Nous l’évoquions dans une chronique précédente, mais il était insensé de voir colportés par certains et commentés par d’autres ces quelques jets de cailloux sur une voiture du cortège d’Emmanuel Macron à Ouagadougou. Au lieu de cela, qui a pris la peine d’écouter, et de relayer, le remarquable discours du Président ghanéen prononcé à Accra devant Emmanuel Macron ? Nana Akufo-Addo a exhorté son Continent à prendre son destin en main, pour conserver sa jeunesse, et cesser de vivre aux crochets de généreux pays comme la France. Mais qui s’en soucie ? En revanche, que notre Président passe un week-end à Chambord, ça, c’est de l’info !

La facilité, enfin, celle de Jean-Jacques Urvoas, l’arroseur arrosé, qui renseigne Thierry Solère à propos de ses tracasseries judiciaires. Quelle pouvait être la motivation de ce Garde des Sceaux dont beaucoup louaient l’intégrité ? Le syndrome Thévenoud ? Voulait-il aider le député républicain à prendre la bonne décision s’il lui était proposé d’intégrer le gouvernement, et ainsi éviter qu’une nouvelle affaire de moralo-transparence ne frappe une classe politique déjà éprouvée. Ce contournement de la Loi par celui-là même qui venait de la faire confirme que le remède est pire que le mal. Décidemment, l’État de droit ne cesse d’aller de travers. Vivement 2018 !

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