« Mais à quel jeu dangereux le Président joue-t-il ? », Chronique par A.Malafaye

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Retrouvez la chronique d’Alexandre Malafaye sur le site de L’Opinion, via ce lien

Cinq mois après l’élection d’Emmanuel Macron, la question se pose. En ce jour de mobilisation syndicale quasi unitaire, il ne serait pas inutile de demander au Président : Pourquoi « foutre le bordel » avec des petites phrases balancées comme des grenades au visage de vos opposants ? Pourquoi ne pas choisir d’œuvrer à la réconciliation des Français et d’expliquer de façon paisible votre action ? Que vous faut-il de plus pour comprendre qu’il ne sera pas possible d’y arriver en « tapant dessus » ? De toute évidence, cette façon d’être et de faire est contre-productive. La fonction publique est déjà dans la rue, encouragée par une gauche qui ne se soumettra pas et une partie non négligeable de l’opinion qui soutient cette fronde. Vous pouvez leur en vouloir, comme à ceux qui « foutent le bordel au lieu d’aller trouver des postes », ou encore critiquer les médias, mais si les Français ne comprennent pas le sens de l’action gouvernementale, ou s’ils n’en retiennent qu’une présentation tronquée et caricaturale, c’est de votre seule faute. Quand la provocation répond au simplisme, dialogue de sourd garanti.

Comme il fallait s’y attendre, l’épreuve du feu, à savoir l’exercice du pouvoir, révèle le Président Macron, son style et sa gouvernance. Elle met aussi ses failles en lumière.

Sur la forme, l’homme est indéniablement brillant, combatif, magnétique, au-dessus du lot. Ses discours sont de bonne facture, il a le sens de la formule, il se donne de l’épaisseur – à défaut d’avoir une véritable profondeur politique – et un réel sentiment de compétence se dégage. Mais hélas ! le Président ne parvient pas à se retenir de gâcher la fête en enchaînant les erreurs de communication, et les provocations inutiles. Certains y voient la manifestation des signes extérieurs de la caste dans laquelle il s’est fait enfermer malgré lui. Banquier d’affaires il était, méprisant envers « ceux qui ne sont rien » il est. CQFD. Le leader historique d’En Marche, celui qui a fondé son engagement politique sur le « renouveau » et la théorie du « en même temps », se voit maintenant comparé à Nicolas Sarkozy. D’autres insistent sur la jeunesse, l’inexpérience, l’impétuosité doublée de brutalité, l’arrogance du jeune chef qui éprouve le besoin de s’affirmer et va jusqu’à sacrifier le chef d’état major des armées pour, pense-t-il sans doute, mieux asseoir son autorité. Certains, enfin, qui le connaissent ou l’approchent, relèvent un certain narcissisme et son manque d’écoute.

Avoir à ce point voulu maîtriser sa communication pour parvenir si vite à ce degré élevé d’images et de messages brouillés relève de l’exploit. D’aucun pourrait crier au fiasco.

La forme n’étant jamais vraiment décorrélée du fond, nous empruntons volontiers la formule de l’équipage d’Apollo 13 : « Paris, nous avons un problème ! ». Car le vent se lève et les nuages s’accumulent sur l’océan du quinquennat Macron. Et nous ne sommes qu’au début de la traversée.

Dans les faits, la forme a rejoint le fond dès lors que l’amalgame s’est imposé comme seule grille d’analyse de l’action gouvernementale. Dans ce domaine, les Insoumis son des as, il faut bien le leur reconnaître. Il n’y avait là aucune fatalité, et la mayonnaise aurait pu ne pas prendre. Mais tel n’est pas le cas, et tout se mélange, pour le pire de la pédagogie politique.

Emmanuel Macron est-il devenu le « président des riches » à cause de son projet de réforme de l’ISF et des cinq euros des APL, ou bien faut-il incriminer son comportement qui, par analogie, a fait de lui un complice des « riches », et même « un riche » ? L’éternelle question de l’œuf ou de la poule, et nul ne la tranchera…

En attendant, le mal est fait, et il rejaillit sur l’action politique. Englué dans cette surréaliste polémique sur l’ISF qui, au passage, révèle les risques de fracture de La République En Marche, le gouvernement étudie avec le plus grand sérieux la création d’une nouvelle usine à gaz fiscale, pour définir la liste des « signes ostentatoires de richesse », et ensuite les maintenir dans l’assiette de calcul de l’impôt sur la fortune. Personne ne s’en offusque. Il faut dire que « la haine des riches » (la une du Point d’avril 2012) est telle que rien ne choque plus quand il s’agit de les faire payer. Pourtant, la simple idée que l’on puisse définir par la loi les « signes ostentatoires de richesse » et désigner leurs propriétaires fait frémir. Notre pays interdit que soient réalisées des statistiques ethniques, par peur que l’histoire ne se répète, et par souci d’égalité. Et là, nous nous apprêtons à légiférer en vue d’établir un listing avec les noms et les adresses de ceux d’entre nous qui possèdent certains biens « visibles ». Quelle folie ! Prions pour que jamais un tel listing ne tombe en de mauvaises mains.

Voilà ce qui arrive quand la communication présidentielle n’est pas à la hauteur des enjeux. On se fait déborder, et on tombe dans deux pièges.

Le premier est celui du « précédent », ou de la boule de neige. Depuis cet été et la pétition sur le statut de la première Dame qui a fait bouger l’Élysée, les adversaires d’Emmanuel Macron ont détecté une faille. Sous ses apparences autoritaires, le Président serait sensible à la pression. Cela n’a pas échappé aux routiers. Pour eux, la ministre du travail vient de faire une exception aux ordonnances loi travail : les primes restent négociées au niveau de la branche, et non dans l’entreprise. Ces petites victoires n’ont rien de symbolique ou d’anecdotique. À l’instar des brèches dans un barrage, au début, leur effet est anodin, mais à la fin, l’eau emporte tout.

Le second piège est celui du « réactionnel ». Il s’inscrit dans la longue lignée de toutes ces lois pensées sans en mesurer les effets à long terme, influencées par le clientélisme, les bons sentiments, élaborées en dehors des réalités, ou fondées sur un déni assumé. Emmanuel Macron s’était déjà laissé entraîner par François Bayrou et sa loi de moralisation qui, à terme, transformera nos élites politiques en cadres moyens de la République. Cette fois, avec ses compromis sur l’ISF, il entretient le mythe égalitariste de l’impôt Robin des Bois. Or, si l’impôt constitue l’outil de redistribution par excellence, il faut à tout prix éviter qu’il ne soit perçu comme un instrument punitif. Et s’il y a bien quelque chose d’utile à transformer dans notre pays, c’est cet état d’esprit vindicatif.

Le courage politique consiste à ne rien céder à la facilité. Le Président doit monter en première ligne pour défendre pied à pied son projet et lutter contre cet amalgame dévastateur qui est devenu la règle. Il lui faudra expliquer, expliquer, et encore expliquer. Tous ceux qui, de par le monde, ont réussi de grandes transformations, n’ont pas agi différemment. Reste à espérer que le Président rectifiera vite le tir, ou que les indicateurs économiques et sociaux s’amélioreront sans trop tarder, pour tirer le tapis sous les pieds des contestataires démagogues. La conjonction des deux, avant 2022, ne serait pas de trop.

 

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